Titre original: Small World (allemand CH)
Auteur: Martin Suter
Édition: Points
Date de parution: 1997 / 1998 VF
Nombre de pages: 384
Genre: Roman / ~témoignage
Décor: Suisse / Italie / Grèce (actuel)
Lu en: mars 2014
Quatrième de couverture: À 60 ans, Conrad Lang vit aux crochets d'une riche famille qui l'a recueilli enfant et l'emploie aujourd'hui comme gardien. Un soir, il met accidentellement le feu à leur villa. Ce sont les premiers symptômes d'un mal mystérieux, qui va avoir d'autres conséquences troublantes. Au fur et à mesure que sa mémoire proche est engloutie, des souvenirs que certains espéraient enfouis à tout jamais resurgissent peu à peu.
Mon avis: Je n’ai rien oublié raconte l’histoire touchante de Conrad Lang, un homme d’une soixantaine d’années qui commence à souffrir de la maladie d’Alzheimer. Le lecteur est plongé dans son quotidien qui devient de plus en plus pénible au fil des pages. Ce sont d’abord de petits oublis innocents, sans trop de gravité, et on se laisse convaincre par Conrad et comme lui, on finit par penser que ces petits trous de mémoire sont normaux. Après tout, il n’est plus tout jeune et il arrive sans difficulté à tromper le lecteur et ses amis, se trouvant des excuses à chaque fois. Mais petit à petit les crises s’intensifient et nous partageons le désarroi et la peur dans les gestes et paroles de ce pauvre homme qui se rend compte que sa mémoire défaille et finit parfois par le mettre en danger.
Les descriptions du ressenti de Conrad sont si précises et intenses que l’on s’attache très vite à lui, on essaie de le comprendre, on s’imagine dans les mêmes situations que lui et on se finit par se ressentir de la peine et beaucoup de compassion à son sujet. Très vite, on a envie de tout lui pardonner et de lui venir en aide. Ce que je trouve très intéressant, c’est que presque tout le monde connaît une personne de son entourage qui souffre également de cette terrible maladie sans pour autant montrer autant de compassion à son égard. Je pense que c’est l’extrême tendresse avec laquelle est écrit ce livre qui nous fait nous rendre compte de ce que peut vivre et ressentir un malade d’Alzheimer, nous donnant la volonté de l’aider et de le protéger. Perdre complètement son orientation dans un magasin pourtant connu, ne plus reconnaître ses proches, oublier sa casserole d’eau sur la cuisinière et risquer de mettre le feu à son appartement… Autant de situations que souvent les proches ne comprennent pas et finissent par reprocher au malade. Il est difficile d’imaginer à quel point ce dernier doit se sentir seul, désemparé et lâchement abandonné par son cerveau défaillant lors de ses moments de lucidité. C’est vraiment cet aspect qui m’a plu dans ce livre : on s’attache à Conrad, cet homme si gentil qui ne mérite pas tout ce qui lui arrive. Après avoir lu un tel livre, on sent qu’on ne pourra plus jamais regarder un malade d’Alzheimer avec indifférence, parce que l’on a pu avoir un aperçu de l’enfer qu’est son quotidien.
En plus de l’aspect « humain » mis en avant avec brio tout au long de l’histoire, Je n’ai rien oublié contient une sous-intrigue plus romanesque : la jeunesse de Conrad. Nous apprenons rapidement que ce dernier a été pris sous l’aile d’une riche famille, qui l’élèvera un peu comme leur fils du même âge, Thomas, en montrant toujours un certain désintérêt pour Conrad. Ce dernier s’est toujours contenté de suivre son « frère » comme un petit chien. Sa maladie naissante affectant ses souvenirs immédiats, Conrad va inconsciemment se replonger dans des souvenirs très lointains. Des souvenirs de famille, des moments passés à l’école, divers jeux avec son frère… Mais quelque chose semble clocher et comment pourrait-il se rappeler ces souvenirs oubliés de tous dans sa condition ? Ces passages plus fictifs se mêlent agréablement et en douceur au quotidien de Conrad et au message d’humanité que Martin Suter souhaite passer.
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